#ALPHALOOP au Palais des ducs (et autour) du 3 au 5 juin 2021. Une proposition Lieu multiple/EMF

Un spectacle avant tout

11 séances au total on permis d’accueillir 55 personnes inscrites pour ce voyage avec #ALPHALOOP. Une forme de « quête métaphysique sensorielle » comme l’a précisé le journaliste culturel Laurent Favreuille dans son article du 3 juin. Mais également un travail de recherche tant technique que d’écriture réalisé par l’équipe artistique invitée. Nous avons bien à faire ici à un spectacle qui implique un public prêt à tenter l’aventure d’une manière « augmentée » et néanmoins partagée avec le réel.

Un travail de recherche

#ALPHALOOP est une proposition artistique qui nous questionne à différents niveaux:

–L’usage des transmédia et les expérimentations profondément déstabilisantes qu’elles peuvent procurer parfois.

–Le positionnement de nos corps dans l’espace et dans le temps. Comme l’équilibre ou nos ressources de proprioception qui nous indiquent la perception de la position des différentes parties de notre corps. .

–Nos différents rapports à la réalité en lien avec nos capacités de perception, de représentation, et de niveaux de réalité(s).

Comme le précise Claire Châtelet, docteur en études cinématographiques et maître de conférences en audiovisuel et nouveaux médias de l’université Paul Valéry de Montpellier 3, à propos d’#ALPHALOOP:

« il s’agit d’un exercice quelque peu expérimental, qui fait appel aux souvenirs, aux sensations, aux associations d’idées, et dans lequel il importe moins d’offrir des résultats théoriques définitifs, que de montrer les processus inachevés d’une pensée, ou mieux les fragments d’une pensée du sensible, incarné et en mouvement, en devenir. »

Et de préciser: « #ALPHALOOP est une performance collective où l’on parcourt l’espace public équipé d’un ensemble casque audio et visio-casque et alterne entre réalité virtuelle, réalité mixte et vidéo 360°. Durant cette déambulation, le groupe est accompagné par deux personnes jouant des personnages fictifs (LUI et META). LUI, est équipé d’un micro HF, et dirige l’expérience. Il raconte une histoire, propose des petits défis (courir, toucher l’autre, se tenir sur un pied…). d’abord pour éprouver nos sens, mais surtout pour nous permettre de nous approprier notre nouveau corps machinique, nous intégrant par là même dans une narration qui se déploie en temps réel ; l’autre personnage, le META, modifie en direct, via une console de régie qu’il porte, les perceptions visuelles et auditives des participants appareillés.

Pour Adelin Schweitzer le directeur artistique de ce projet, celui-ci: « aborde la thématique du sacré à travers le prisme de la pratique imaginée du techno chamanisme, celle-ci affirmant qu’il n’y a pas d’opposition dualiste entre Nature et Technologie, pas de différence structurelle entre les ordinateurs et les autres manifestations « naturelles » de la réalité. Le spectacle s’inspire librement des théories développées par Timothy Leary sur le chamanisme cybernétique et s’articule autour d’un voyage de recherche sur les mythes et les cultures du nord du Québec. »

#ALPHALOOP permet d’envisager une autre forme de théâtralité. Cela peut s’apparenter à une entreprise de déstabilisation proprement avant-gardiste, avec des moments où le corps et les sens sont mis au défi. Le participant doit se confronter à une représentation démultipliée qui passe autant par la dimension audiovisuelle du spectacle via le visio-casque, que par la dimension théâtrale et performative de LUI. Le rôle des participants est lui-même chamboulé. Il se situe dans l’espace physique, mais il est lui-même fictionnalisé par une sorte de contamination narrative. Les participants sont tout autant acteurs que « pratiqueurs » (formule de Jean-Paul Fourmentraux et Samuel Bianchini dans « médias praticables; L’interactivité à l’œuvre »). Les spectateurs tout autour deviennent sans même le savoir des figurants, et enfin, tous les éléments de l’espace public se transforment potentiellement en décors. Du coup, la dichotomie classique réel/virtuel devient beaucoup plus floue et indistincte.

Ce spectacle empreinte donc à la fois au cinéma, au spectacle vivant, au théâtre de rue, aux expériences immersives, aux happenings et aux contes. Il invite le spectateur à s’interroger sur les modalités de la perception et sur notre relation à l’espace. Celui-ci peut ainsi percevoir des espaces contigus parfois imbriqués, souvent oniriques. Un aperçu de ce que pourrait être une théorie des multivers.

Pour Claire Châtelet, « l’expérience proposée s’inscrit esthétiquement et politiquement dans la société qui la produit, interrogeant les technologies et dispositifs qui la façonnent, la conditionnent, tout en proposant un spectacle à la fois intime et collectif, et loin de tout élitisme, éminemment partageable, qu’elle recouvre toute sa « puissance d’agir » et rencontre là les avant-gardes historiques dans leur ambition de relier l’art et la vie ».

La diffusion #ALPHALOOP à Poitiers, en particulier dans ce lieu hautement historique qu’est le Palais des ducs d’Aquitaine, a permis de proposer au public la visite de ce lien entre art et vie de la cité. Derrière cette apparence hautement technologique, se cachait en réalité une expérience ritualisée où l’ensemble des enjeux esthétiques, philosophiques et politiques entrevus permettait de revisiter en profondeur nos propres représentations du réel. Une expérience partagée où l’humour garde sa place et qui permet d’ouvrir avec tact certaines portes de la perception et d’admirer les contenus proposés dans l’entrebâillement de celles-ci.

Adelin Schweitzer : direction artistique / Fred Sechet & Adelin Schweitzer : écriture et interprétation / Pina Wood : dramaturge / Naoyuki Tanaka aka NAO : artiste visuel / Gaëtan Parseihian & Lucien Gaudion : compositeurs / NAO & Gaëtan Parseihian : software.

À Poitiers les vendredi 4 et samedi 5 juin 2021

Durée: 50 minutes, à partir de 12 ans, par groupe de 5 personnes dans le respect des protocoles
sanitaires.
Horaires du spectacle : chaque jour à 9h30, 11h, 14h30, 16h et 18h.